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QU’EST-CE QUE LES PSYS APPELLENT UN TRAUMATISME ?



Le traumatisme psychique est un thème sur lequel se sont fréquemment penchés les psychanalystes, psychologues, et autres professionnels de la santé psychique. Il est une des explications de la genèse d’un certain nombre de troubles mentaux, à commencer par la dépression. Sans heureusement qu’ils n’aient tous ces conséquences, rares sont cependant les personnes qui peuvent se vanter de n’avoir jamais été confrontées à des évènements traumatiques.


Les évènements traumatiques, ce sont des expériences effrayantes, dangereuses, choquantes, qui peuvent nous affecter physiquement, émotionnellement ou mentalement.


A court terme, ils peuvent provoquer des réactions émotionnelles telles que la terreur, l’isolement et la dissociation.

A long terme, ils peuvent affecter le comportement, l’état mental et la capacité à fonctionner dans la vie quotidienne.



On parle de traumatisme lorsqu’une personne a vécu un évènement (ou une série d’évènements) bouleversant qui dépasse son seuil de tolérance.



Ferenczi s’est longuement penché sur le traumatisme. Il qualifiait de traumatisme toute situation de souffrance survenant brutalement et dépassant la capacité de l’individu à la supporter. Sans minimiser la fréquence des agressions sexuelles subies par les enfants, il élargissait la qualification de traumatisme à toutes les vexations, humiliations, injustices, que les enfants peuvent subir. Ces situations entraînent un choc qui est "équivalent à l’anéantissement du sentiment de soi, de la capacité de résister, d’agir ou de penser en vue de défendre le Soi propre."



Peuvent donc être qualifiées de traumatiques des situations qui semblent anodines aux autres personnes présentes, en particulier les adultes dans le cas d’un enfant.



Les conséquences d’un traumatisme


Le traumatisme psychique se définit essentiellement par ses conséquences. Celles-ci se situent à des niveaux différents, tant au niveau temporel (conséquences immédiates ou différées) qu’au niveau de leur sévérité.


- La sidération

A la survenue brutale et inattendue de l’évènement traumatisant, la personne va réagir par une paralysie de toute activité psychique, de la motilité, des perceptions, de la pensée. Cela va plus loin qu’une coupure d’avec la réalité qui se montre trop intolérable, c’est comme si le sujet n’existait plus. Freud appelait ce phénomène "l’effroi" : une réaction émotionnelle à une situation dangereuse qui survient sans que l’on n’ait pu s’y préparer.


- Le clivage

Comme le sujet a pu constater que ses défenses étaient insuffisantes à le protéger, il va les réorganiser afin d’être mieux protégé en cas de nouvelle attaque. Il va donc créer dans son espace psychique une zone inaccessible par le Moi pour y évacuer le souvenir de l’évènement insurmontable.

Ce clivage provoque un oubli instantané de l’origine du choc : de cette façon, la douleur n’est plus consciente, ce qui la rend sans doute plus supportable.

Cependant, si la douleur psychique n’est plus consciente, elle n’a pas cessé pour autant et elle continue à mobiliser une énergie considérable de la part du sujet et à se manifester d’une façon ou d’une autre (humeurs, explosions affectives, troubles psycho-somatiques, dépressions, etc.)


- l’angoisse

Suite à un trauma, la personne va ressentir un "sentiment d’incapacité à s’adapter à une situation de déplaisir" (définition de l’angoisse par Ferenczi), ayant pour conséquence la désorientation psychique avec un excès de tension que le sujet ne peut contrôler.

Ce sentiment va se transformer en garde-fou pour les traumatismes ultérieurs. En effet, en perdurant, il va permettre une certaine préparation au danger et donc constituer une protection contre le risque d’effraction traumatique. Le Moi se met en alerte permanente, ce qui lui évite de se laisser surprendre… Mais le prix à payer est bien lourd !


- La compulsion de répétition

La personne aura tendance à répéter l’acte traumatogène, sans savoir bien sûr qu’elle le répète. Cela se fait très fréquemment dans les rêves. Freud avait noté ce phénomène en particulier dans les névroses traumatiques (les névroses de guerre), et après s’être interrogé sur cette sorte d’enfermement du sujet dans le trauma, il a envisagé sur la fin de sa vie le fait que cette compulsion de répétition pourrait être une réaction du psychisme qui essaie de rejouer le traumatisme en cherchant une solution à celui-ci.


- La névrose :

Pour Freud comme pour Ferenczi, toutes les "psychonévroses" (phobies, TOC, dépression, hystérie) avaient une origine traumatique. Celles-ci n’apparaissent pas immédiatement après le choc traumatique mais après un certain temps de latence.


- La psychose

La psychose est une affection mentale qui évoque une perte de contact avec la réalité : idées délirantes, hallucinations… (schizophrénie, psychose maniaco-dépressive, paranoïa)

Souvent, le traumatisme n’est pas l’unique cause déclenchante de la psychose, mais des auteurs tels que Winnicott ont pu suggérer que, suite à un traumatisme particulièrement violent, les défenses du sujet aient pu se réorganiser de façon à ne plus avoir à subir une telle angoisse et que la solution trouvée ait été le « refuge » dans la psychose.




Qu’appelle-t-on « syndrome de stress post-traumatique » ?

C’est un trouble anxieux qui peut se développer suite à un évènement traumatisant.

Les symptômes de ce syndrome comprennent des reviviscences, un évitement et un engourdissement émotionnel, une hyperactivité neurovégétative (irritabilité, insomnie, difficultés de concentration, hypervigilance, etc.)

Ce syndrome de stress post-traumatique fera l’objet d’un prochain article de ce blog.


Pour sortir du traumatisme

Il faut savoir que les traumatismes enfouis ne disparaissent jamais.

Même si les souvenirs du traumatisme sont cachés dans la conscience d’une personne, certains signes peuvent devenir perceptibles dans sa vie quotidienne, que ce soit dans ses humeurs, dans ses relations, dans ses inquiétudes, dans son sommeil… Même "oubliés", ils continuent d’avoir un impact sur nos habitudes et sur notre façon de voir la vie.


Un processus de résolution spontané ?

Il semblerait qu’il existe dans le psychisme un processus spontané qui vise à tenter le retour à l’équilibre. C’est ce que nous avons vu lorsque nous avons parlé de la compulsion de répétition, en particulier via le rêve.


Par rapport à cela, Ferenczi parlait même de la fonction traumatolytique du rêve. Pour lui, tout rêve, même le plus déplaisant, était une tentative d’amener des événements traumatiques à une résolution et à une maîtrise psychique meilleure. Le rêve, reproduisant symboliquement l’évènement traumatique d’une façon moins dramatique, permettrait de soulager la tension psychique accumulée.


Et la résilience?

Le kintsugi, l'art de la résilience

La résilience, à l’origine, est un terme utilisé en physique pour traduire la résistance des matériaux à la pression. Boris Cyrulnik a repris ce mot il y a quelques années pour mener une réflexion sur la raison pour laquelle certaines personnes confrontées à des traumatismes habituellement destructeurs pour l’édification de la personnalité se révélaient capables non seulement d’affronter le stress sans trop de dommages (du moins apparents), mais aussi d’utiliser cet évènement pour en faire une sorte de tremplin leur permettant de rebondir dans l’existence.

Cette résilience n’apparaît pas spontanément pour toutes les personnes confrontées à un traumatisme, loin s’en faut. Elle est dépendante d’un certain nombre de facteurs, que l’on peut regrouper en deux grandes familles : les endogènes et l’environnement.

En effet, elle ne peut se mettre en place que si la personne a pu, avant les évènements douloureux, structurer sa personnalité de façon équilibrée et puissante. Ce sont les facteurs endogènes, déterminants.

Ensuite, la résilience ne pourra, après le traumatisme, se développer que grâce à un environnement qui apporte à la fois la sécurité et la possibilité de parler et de réfléchir, de façon à pouvoir donner du sens à l’évènement traumatique, et d’ainsi l’inscrire dans son histoire personnelle comme un allié, en quelque sorte, et non comme une fracture.



Les méthodes thérapeutiques


- L’EMDR

L'EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing) est une approche thérapeutique qui repose sur la stimulation sensorielle bilatérale, généralement réalisée en faisant bouger les yeux de gauche à droite.

Ce mouvement va permettre une désensibilisation des émotions négatives associées au souvenir traumatique ainsi parfois que des sensations physiques particulières.

Il permettrait une reprogrammation cérébrale entraînant un soulagement des symptômes liés à ce traumatisme.


- La Thérapie Cognitivo-Comportementale (TCC)

Cette approche se concentre sur la modification des schémas de pensée négatifs et des comportements maladaptés liés au traumatisme.

Elle vise à aider les individus à développer des stratégies pour faire face aux souvenirs et aux émotions traumatiques.



- la thérapie de pleine conscience

La pleine conscience implique d'être attentif au moment présent de manière non jugeante. Elle peut permettre d’accepter des sentiments tels que la honte, la culpabilité et les difficultés d'acceptation de soi, des problèmes fondamentaux pour de nombreuses personnes souffrant de SSPT.

En affrontant sans les refouler les pensées et les sentiments pénibles elle peut permettre d’identifier les indices d’une réactivation d’une mémoire traumatique.

Elle peut aussi aider à réduire l'impact des souvenirs traumatisants en améliorant la capacité à distinguer le présent du passé.


- La psychanalyse freudienne

Grâce au clivage, le traumatisme est refoulé dans l’inconscient. Mais nous avons vu que ce n’est pas parce que la douleur psychique n’est plus consciente qu’elle a cessé de se manifester d’une façon ou d’une autre (humeurs, explosions affectives, troubles psycho-somatiques, dépressions, etc.). De plus, ce refoulement mobilise une énergie considérable de la part du sujet, et la seule solution pour récupérer cette énergie était, d’après Freud, de faire réémerger le traumatisme en un souvenir conscient .

Pour cela, il traquait l’émergence des « souvenirs » de cet évènement à travers les rêves, les lapsus, les actes manqués, les trous de mémoire… Le rôle du psychanalyste était de construire ce qui avait été oublié d’après les indices laissés par le patient. Il le comparait à un archéologue, reconstruisant à partir de vestiges et de morceaux de souvenirs une réalité probable, une sorte de proposition de réalité, que le patient pouvait ou non corroborer.

- La psychanalyse férenczienne

Pour Ferenczi aussi, il était important de faire que le souvenir traumatique réapparaisse. Sa méthode était cependant différente de celle de Freud. Il utilisait la relaxation pour susciter chez ses patients un état d’auto-hypnose, état qui débouchait sur une transe hallucinatoire et favorisait le revécu des situations traumatiques. Il s’agissait là d’une véritable immersion dans le passé traumatique, ce qui permettait d’aller chercher l’évènement originaire des troubles observés pour le débarrasser de sa charge néfaste.

C’est cette méthode que j’ai appris à appliquer chez mes propres patients.

Revivre l’évènement permet la résurgence des émotions de ce moment, et l’évacuation de ce qui n’a pas pu être fait. Parallèlement, il est important de favoriser l’élaboration intellectuelle afin que le patient comprenne ce qui s’est passé, puisse y donner un sens, et que cet évènement puisse prendre sa juste place dans son histoire, déchargé de son impact nuisible.






Sortir du traumatisme (voire DES traumatismes) est la porte vers la guérison.






Luce Barrault

Septembre 2023













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