Je vous encourage à essayer ! La psychanalyse férenczienne est une méthode psychothérapeutique développée par Sándor Ferenczi.
Sándor Ferenczi était un disciple de Freud. Il a longtemps été proche de lui - il a même été psychanalysé par ce dernier - puis a pris de la distance en nourrissant sa propre réflexion à partir de sa pratique clinique.
Il ressort des écrits de Ferenczi une exigence de franchise et de sincérité, ainsi que le souhait d'apporter de véritables soins aux patients. Ferenczi n’était pas d’accord avec ses contemporains psychanalystes qui refusaient de se remettre en question (que ce soit au niveau de la théorie ou de la pratique) en se réfugiant derrière les concepts de résistance et de transfert négatif. Il exprimait sa pensée sans tabou (il était surnommé l' "enfant terrible" de la psychanalyse) et cela l’a finalement amené à une rupture avec Freud.
Il est difficile de résumer sa pensée en quelques lignes, mais on peut cependant noter quelques points importants :
- Il a développé l'idée que les traumatismes précoces dans l'enfance peuvent avoir un impact déterminant sur la vie émotionnelle et la personnalité d'une personne plus tard dans la vie. Par « traumatismes », il entendait non seulement les violences physiques, voire sexuelles, mais aussi toutes les vexations, humiliations, injustices, que les parents (ou les adultes en général) font subir aux enfants. Ce n’est pas tant l’événement en soi qui définit le traumatisme que son incidence sur la personne.
- Il a beaucoup travaillé sur la qualité de la relation entre le patient et l'analyste, considérant qu'elle est essentielle à la guérison du patient. Ferenczi a également défendu l'idée que l'analyste doit être capable d'exprimer ses propres émotions et sentiments pour aider le patient à développer une compréhension plus profonde de lui-même.
- Pour lui, chaque cas est unique. Il pensait que la technique aussi bien que la théorie devaient s'ajuster à chaque situation et à chaque sujet. C’est en grande partie ce qui a provoqué le rejet des autres psychanalystes, en particulier Sigmund Freud.
Ce dernier, dans une lettre, reprochait à Ferenczi sa "furor sanandi" (littéralement : la rage de guérir). Pour Freud, la psychanalyse consistait moins à soigner qu’à permettre à la personne de mieux se connaître. Pour Ferenczi, effectivement, le but de la psychanalyse était de guérir la personne.
C’est sans doute en cela, dans l’intention, que l’on peut dire que la psychanalyse férenczienne est plus une psychothérapie qu’une psychanalyse.
Geneviève François, qui a fondé et dirigé l’École Férenczienne où j’ai suivi ma formation, a travaillé en profondeur sur toute l’œuvre de Ferenczi. En la nourrissant d’autres pratiques d’auteurs humanistes tels qu’Arthur Janov, Carl Rogers, Stanislas Grof, et d’apports théoriques variés (Alice Miller, François Roustang, Michael Balint, etc.) elle a établi une méthode psychothérapeutique particulièrement efficace.
Celle-ci est basée sur plusieurs points :
1 – Le corps se souvient de tous les évènements, en particulier les évènements traumatiques.
2 – L’accès à cette mémoire n’est pas une voie cérébrale.
3 – C’est en revivant l’événement traumatique et surtout en déchargeant les émotions liées qu’il va perdre son effet délétère.
4 – Le thérapeute est dans une sorte de congruence compassionnelle avec ce que vit le patient, et une totale absence de jugement.
Pour accéder aux souvenirs traumatiques, l’auto-hypnose joue un rôle important. L’état modifié de conscience permet d’entrer en quelque sorte dans son corps à la recherche d’empreintes anciennes. C’est assez étonnant à expérimenter, car le corps peut alors se mettre à vivre sa propre vie, complètement déconnecté du cerveau. Des ressentis, des mouvements, des douleurs, des odeurs, des visions, des spasmes, des larmes, des rires incontrôlés – tout peut se passer (la liste n’est d’ailleurs pas exhaustive). C’est une sorte de rêve éveillé vécu dans le corps.
Le patient se trouve donc couché, et le thérapeute est très proche de lui, à l’écoute et dans une sorte d’attention flottante lui aussi.
En somme, dans cette pratique, c’est le patient qui se soigne lui-même. Le thérapeute est en retrait, dans une posture d’« accompagnant » plus que de « sachant » (ce qui, là aussi, est différent de bien d’autres techniques psychanalytiques). C’est le patient qui va recontacter les souvenirs délétères, c’est lui qui va laisser exprimer son corps et la charge émotionnelle qui va avec ce revécu, et c’est bien souvent lui qui peut donner du sens à ce qui s’est passé.
Vous voyez : la psychanalyse férenczienne s’apparente autant à une thérapie psycho-corporelle qu’à une psychanalyse – peut-être même plus. Nous sommes bien loin des clichés de psychanalyse freudienne avec un déroulé uniquement verbal.
C’est une approche holistique de la guérison.
Luce Barrault
Mars 2023
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