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J’ai peur de faire une dépression...

C’est ce qu’a dit Alexia à son médecin qu’elle est allée consulter.

Lorsqu’il l’a interrogée, voici comment elle a décrit son état : « je suis très fatiguée, mais j’ai du mal à dormir. Le matin, je n’arrive pas à me lever, rien ne me semble motivant. Et puis, je me sens triste, même s’il n’y a pas de raison valable à cela.se sent triste, sans raison évidente. En plus, tout le monde m’énerve, même mes propres enfants : je ne supporte plus leurs cris, leurs jeux bruyants, leur musique… Je leur crie dessus, et je m’en veux de cela après. » .

Alors, dépression ou coup de fatigue ?






La dépression, qu’est-ce que c’est ?

La dépression est une maladie caractérisée par une fixation de l’humeur dans la tristesse et la douleur. La tristesse est permanente et n’est pas assujettie à des circonstances extérieures. Il s’agit vraiment d’une sorte d’enlisement dans cet état de tristesse, de souffrance.


La dépression n’est pas un vague à l’âme existentiel, pas plus qu’elle n’est synonyme de folie ou d’inadaptation. C’est une maladie, avec ses symptômes et ses traitements.






Quels sont les symptômes de la dépression ?


Les signes que je vais vous décrire ne sont pas forcément tous présents, mais pour parler de dépression, il y a nécessité d’en trouver un certain nombre parmi la liste ci-dessous. Cette maladie s’exprime à plusieurs niveaux : psychique, physique, comportementaux – et même énergétiques.


Les symptômes psychiques sont :

- des idées noires (envie d’être mort)

- une anhédonie (la perte de la capacité à ressentir du plaisir)

- la paralysie de la pensée

- des troubles de la mémoire

- la perte d’initiative

- l’anxiété

- l’irritabilité

- le désespoir

- la tristesse

- le vide intérieur


Au niveau physique, la dépression peut s’exprimer sous diverses formes :

- troubles du sommeil

- palpitations cardiaques

- tremblements

- ralentissement moteur

- douleurs musculaires

- diminution de l’appétit

- diminution de la libido

- maux de tête


Il existe également des symptômes comportementaux de type :

- retrait social voire repli sur soi

- manque d’hygiène ou incurie (négligence)

- inactivité

- clinophilie (incapacité à se lever)


Au niveau énergétique, il y a clairement une baisse de la vitalité, de l’énergie subtile que dégage la personne. C’est comme si cette dernière avait augmenté sa viscosité et baissé sa luminosité. Les couleurs sont plus ternes, plus brumeuses.





Dépression ou déprime ?


La différence entre les deux réside dans l’importance des symptômes et dans la notion de temporalité.


Une déprime est une baisse de moral temporaire, qui peut céder avec la survenue de moments joyeux, l’envie de s’investir dans certaines activités qui procurent du plaisir, et peuvent n’avoir que peu d’autres symptômes que ceux de tristesse ou de vision pessimiste de l’avenir.


Une dépression est là tout le temps, quelles que soient les circonstances extérieures, et durent des jours, des semaines, des mois…

Elle s’installe souvent pernicieusement : un manque d’entrain, de la fatigue, l’impression de ne pas être à la hauteur, les autres qui nous insupportent… Rien que de très banal ; ce sont les aléas de la vie, on ne peut pas toujours être un superman ou une superwoman ! Mais lorsque ça dure, lorsque d’autres symptômes apparaissent comme des troubles de l’appétit ou du sommeil, ou des idées noires, on peut commencer à sérieusement s’interroger.


Si vous vous posez la question, vous pouvez obtenir un premier éclairage en répondant aux 21 questions en ligne du test de Beck. C’est un premier bilan qui je vous soumets à titre informatif ; il est bien sûr sans valeur diagnostique. Si vous avez le moindre doute, je vous encourage à prendre un avis médical.






Qu’est-ce qui provoque une dépression ?


Il existe de nombreux types de dépression :

  • La dépression réactionnelle : elle est consécutive à un événement comme un décès, un chagrin d’amour ou un licenciement.

  • La dépression endogène : Elle prend naissance à l’intérieur de la personne sans cause extérieure.

  • La dépression névrotique : symptômes d’intensité mineur ou modéré présents chez une personne à la personnalité névrotique.

  • Le burn-out : dépression relative à un épuisement professionnel.

  • La dépression du post-partum (suite à un accouchement) : L’arrivée d’un enfant peut être le facteur déclencheur chez la mère.

  • La dépression de la personne âgée : relative aux conditions de vie comme l’isolement, la solitude, la perte du conjoint, le délaissement familial, l’arrêt de sa carrière professionnelle sont autant de facteurs d’apparition.

  • La dépression saisonnière ou hivernale : consécutive au manque de lumière en hiver.

  • La maniaco-dépression (trouble bipolaire) : trouble de l’humeur caractérisé par des épisodes alternant dépression et euphorie.

  • La dépression masquée : se manifeste seulement par des plaintes somatiques.

  • La dépression secondaire : elle est consécutive à une maladie psychiatrique comme la schizophrénie, à une maladie physique, à une maladie infectieuse comme une hépatite C ou une maladie auto-immune comme une polyarthrite rhumatoïde.

  • La dépression médicamenteuse : elle résulte de la prise de certains médicaments comme la corticothérapie et l’interféron.

  • La dépression souriante : difficile à diagnostiquer, car le patient la masque. Il sourit et ne montre rien. Ses activités sociales ne sont pas altérées. Par honte ou peur d’être faible, il déploie beaucoup d’énergie pour dissimuler sa souffrance.


La dépression la plus compliquée à appréhender est la dépression endogène, que personne ne peut expliquer avant un long travail sur soi. C’est souvent face à ce type de dépression que l’on entend le plus de phrases maladroites de type « mais tu as tout pour être heureux ! ». C’est vraiment une des réflexions les pires que l’on puisse lui faire, car cela renforce ses sentiments de culpabilité et d’incapacité à exister et peut l’enfoncer encore plus dans sa tristesse et sa douleur.






Comment réagir devant une personne en dépression ??


De même, le fameux « Debout, secoue-toi ! », même s’il est bien intentionné, a tout du propos maladroit. La personne en dépression ne peut pas « se secouer », cela n’a aucun sens pour elle.


Il s’agit de ne pas oublier que la dépression est une maladie et qu’il convient de considérer la personne qui en souffre comme un malade. Est-ce qu’on reproche à quelqu’un qui a un cancer d’avoir contracté leur maladie ? Pourquoi le ferait-on à un dépressif ?


De la même façon , on ne reproche pas à un grippé d’avoir de la fièvre… On ne lui dit pas : « allons, secoue-toi, sors de ton lit ! » On accepte ses symptômes et on essaie de les soulager. Pourquoi ne pas faire de la même façon avec un dépressif ?


La personne en dépression souffre souvent de fatigue – on ne va pas lui demander d’être en pleine forme. Il convient de respecter ce manque d’entrain, cette incapacité à faire les choses, ou du moins à moindre échelle.

La personne en dépression souffre de tristesse. Tenter de la faire rire , lui raconter des blagues, lui montrer des vidéos « mignonnes » est généralement stérile. Rien d’extérieur ne pourra avoir un impact inverse à son état intérieur.


"Marteler au déprimé "secoue-toi !" revient à lui donner un ordre paradoxal et culpabilisant, comme d'exiger d'un paralytique qu'il marche." (Dr David Gourion, Pr Henri Lô, "Les nuits de l'âme")

Par contre, tendre une oreille attentive si la personne souhaite parler, ou simplement être là, même en silence, tenir la main, se révèle parfois plus utile que ce que l’on peut imaginer.






Mais que se joue-t-il lors d’une dépression ?


Plus que tout, ce qui caractérise la dépression, c’est la souffrance morale. Cette souffrance se traduit par des sentiments d’infériorité voire de nullité, d’échec, un dénigrement de soi, et aussi des angoisses, une importante culpabilité et une impression extrêmement pénible d’incurabilité, de ne jamais pouvoir en sortir.


En fait, l’ensemble de ces symptômes montre comme un retrait de la vie dans ses fonctions physiques et mentales, une sorte d’hibernation, à l’instar de ce qui se passe pour la chenille à l’intérieur de la chrysalide.


Souvenez-vous de l’adage : "Ce que la chenille appelle la mort, le papillon l’appelle le début de la vie".


Car il y a un avant et un après une dépression.


Avant, on avançait dans la vie, cahin-caha, avec la construction qu’on s’était faite – très souvent sur le désir des autres (des parents, de l’entourage, du conjoint, de la société, etc.)


Après, on avance main dans la main avec son Etre Profond. On est en accord avec soi.

Entre les deux, il est nécessaire de faire tout un travail de déconstruction, de défrichement, pour aller, tel un explorateur, découvrir ce qui se cache dans notre forêt psychique. Il va s’agir de déconstruire ce que l’on a appris, remettre ses priorités dans le bon ordre, reconsidérer les valeurs qui sont les nôtres, apprendre à se connaître profondément, comprendre ce qui a fait notre personne actuelle, libérer les charges émotionnelles qui n’ont pu être exprimées au fil de notre parcours, pardonner aux différents acteurs de notre vie et surtout à nous-mêmes… C’est un important travail !


Moussa Nabati, dans son livre "La dépression, une épreuve pour grandir ?", affirme que la dépression survient pour aider à guérir quelqu’un qui est déjà et depuis longtemps malade mais sans le savoir. C’est la dépression qui guérit le Moi.






Comment une dépression évolue-t-elle ?


Si la dépression n’est pas soignée, elle ne disparaîtra pas toute seule. Au contraire, elle risque de s’aggraver vers une forme sévère avec un retrait des activités de vie quotidienne (aussi simple que se lever le matin, par exemple) et un risque important de suicide, tenté et/ou réussi.


Les degrés d’une dépression peuvent être mesurés grâce à des échelles comme celle de Hamilton


On peut parfois avoir l’illusion d’être sorti sans aide d’une dépression, mais si c’est le cas, on peut supposer que c’était un épisode dépressif – dont on peut effectivement se sortir seul – et qu’il risque de se répéter dans l’avenir.


Lorsque la dépression est soignée, en particulier avec l’aide de la psychothérapie, la personne en sortira grandie, au sens qu’elle se connaîtra mieux et pourra appréhender le monde avec un autre regard. Ses priorités se réarrangeront et ses pas dessineront un chemin qui lui correspondra plus.






Comment soigne-t-on une dépression ?


Pour guérir, il faut faire face ! La première étape est d’accepter la maladie. La seconde est de décider de l’affronter, et donc de consulter.


Si la dépression n’est pas traitée, il y a un gros risque de récurrence voire de chronicisation.


Parfois, les épisodes dépressifs répétitifs viennent comme un signal d’alerte : il y a quelque chose qui ne va pas dans la vie de la personne par rapport à son Être Profond, et il convient de reconsidérer ses choix de vie. Il est toujours important, lors de ces moments, de se poser et de reconsidérer la situation.


Pour soigner une dépression, il ne faut pas négliger la pharmacopée : antidépresseurs, anxiolytiques, peuvent être des aides appréciables. Il est particulièrement important de pouvoir retrouver une qualité de sommeil. Mais le traitement médicamenteux ne suffit pas, à lui seul, à permettre de sortir durablement de la dépression.


Les TCC (thérapies cognitives et comportementales) peuvent être un apport intéressant et relativement rapide pour soulager les symptômes. Elles peuvent permettre de transformer les ruminations en pensées plus positives, diminuer l’anxiété, s’ouvrir à l’environnement.


La psychothérapie d’inspiration analytique est, à mon sens incontournable pour soigner la dépression jusqu’à ses racines. Elle permet d’aller à la rencontre de son Être Profond et d’envisager la vie selon ce à quoi l’on aspire vraiment. En cela, les thérapies avec état modifié de conscience (hypnothérapie, psychanalyse férenczienne, thérapie au tambour, etc.) sont des moyens privilégiés pour travailler sur soi.












La dépression contient en elle la promesse de devenir soi.












Luce Barrault

Février 2024

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