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LA RESILIENCE : La force de se relever après un choc

La résilience : voici un mot que l’on ne connaissait pas il y a quelques dizaines d’années. C’est Boris Cyrulnik qui a grandement contribué à faire connaître ce terme depuis son ouvrage "Un merveilleux malheur " (1999) et aussi avec les suivants. C’est un concept qui est porteur d’espoir, parce qu’il porte en lui la perspective de sortir des effets néfastes du traumatisme.





La résilience, qu’est-ce que c’est ?


 La résilience est la capacité à rebondir après avoir été confronté à une difficulté, à surmonter les difficultés et à s'épanouir malgré les circonstances défavorables.

À l’origine, la résilience est un terme utilisé en physique pour désigner la résistance d’un matériau aux chocs. Cette définition s’est ensuite étendue à la capacité d’un corps, d’un organisme, d’une espèce, d’un système, d’une structure à surmonter une altération de son environnement. Il est donc utilisé dans une grande variété de domaines: écologie, informatique, politique, sociologie, enseignement...


Dans son ouvrage «Le Murmure des fantômes», Cyrulnik évoque la résilience en ces termes: "On ne peut parler de résilience que s’il y a eu un traumatisme suivi de la reprise d’un type de développement, une déchirure raccommodée. Il ne s’agit pas du développement normal puisque le traumatisme inscrit dans la mémoire fait désormais partie de l’histoire du sujet comme un fantôme qui l’accompagne. Le blessé de l’âme pourra reprendre un développement, dorénavant infléchi par l’effraction dans sa personnalité antérieure".






La genèse de la résilience


La résilience ne peut exister sans une épreuve rencontrée. Elle ne peut survenir qu’après un processus qui rappelle celui du deuil, et que l’on pourrait décrire ainsi :

1 – l’évènement traumatique

2 – la dépression

3 – la résilience


Le traumatisme est l’agent de la résilience, si l’on veut. Disons que sans traumatisme, il ne peut y avoir de résilience… De même que sans obstacle, il n’y a pas nécessité de le franchir !


Pour la psychanalyse, le traumatisme est « un évènement de la vie du sujet qui se définit par son intensité, l’incapacité où se trouve le sujet d’y répondre adéquatement, le bouleversement et les effets durables qu’il provoque dans l’organisation psychique » (définition trouvée dans le  "Vocabulaire de la psychanalyse" de J. Laplanche et J.-B. Pontalis). J’ai déjà évoqué cette notion de traumatisme dans de précédents articles de ce blog ; il est notable que le traumatisme ne se définit pas par la nature objective de l’évènement, mais bien par l’incapacité de la personne d’y faire face. Un même évènement peut être anodin pour un individu mais traumatique pour un autre.


Cyrulnik décrit le traumatisme comme l’effraction qui provoque la déchirure de la bulle protectrice de la personne – l’enfant, en l’occurrence – entraînant une incompréhension de ce qui se passe, une désorganisation, une grande confusion psychique.


Après un évènement traumatique, on observe souvent un épisode dépressif, dont la durée est variable. C’est ce qu’on pourrait appeler aussi le fait « d’encaisser le coup ». La structure psychique du sujet souffre d’une plaie, et la cicatrisation n’est pas immédiate.

Puis arrive parfois, progressivement, le phénomène de résilience. La croûte de la plaie tombe, et même s’il reste une cicatrice, la fonction de la peau est rétablie.

Pour illustrer cela, Cyrulnik utilise, lui, la métaphore du chemin : "Le chemin de l’homme normal n’est pas dépourvu d’épreuves : il se cogne aux cailloux, s’égratigne aux ronces, il hésite aux passages dangereux, et, finalement, chemine quand même ! Le chemin du traumatisé, lui, est brisé. Il y a un trou, un effondrement,qui mène au précipice. Quand le blessé s’arrête et revient sur son parcours, il se constitue prisonnier de son passé, fondamentaliste, vengeur ou soumis à la proximité du précipice. Le résilient, lui, après s’être arrêté, reprend un cheminement latéral. Il doit se frayer une nouvelle piste avec, dans sa mémoire, le bord du ravin. Le promeneur normal peut devenir créatif, alors que le résilient, lui, y est contraint".


En fait, le processus de résilience n’est pas un processus d’oubli, mais plutôt une forme d’inclusion du traumatisme dans la personnalité. C’est un "faire avec", un "faire malgré"

.

Le processus de résilience est un phénomène complexe qui implique l’interaction de facteurs psychoaffectifs, relationnels et sociaux avec les caractéristiques internes du sujets (processus défensifs, personnalité…).




Existe-t-il des facteurs qui facilitent la résilience ?


Il faut savoir que la résilience n’est pas une question d’âge : on peut peut être résilient à n’importe quel moment de sa vie – ou pas.

Et la résilience ne correspond pas non plus à un type de personnalité précis – sinon, on serait résilient une fois pour toutes, et si l’on a déjà triomphé de certains traumatismes, aucun autre ne pourrait nous faire tomber… ce qui est loin d’être le cas.


De plus, la résilience n’est pas acquise une fois pour toutes. C’est un processus dynamique et évolutif et qui n’est pas forcément pérenne ni persistant à toutes les épreuves de la vie. Au-delà du socle des premières expériences viennent se greffer tout ce que la personne a à traverser et toutes les ressources environnementales dont elle va pouvoir disposer, ainsi que ses capacités adaptatives et défensives. C’est un nouveau cocktail à chaque fois.



Pour Boris Cyrulnik, trois éléments sont essentiels pour enclencher une stratégie de survie après un traumatisme : la force vitale, un "tuteur de résilience" et une capacité à remanier le passé :


La force vitale, c’est ce désir farouche de vivre, cette dynamique qui pousse l’être humain à s’accrocher au moindre signe pour rebondir. Cette vitalité n’existe que si le bébé a pu se développer dans une «niche de sécurité», c’est-à-dire entouré de l’attention et de l’affection de ceux et celles qui ont son éducation en charge. Cela lui fournit l’assurance intérieure d’être digne d’être aimé, digne d’intérêt... et donc de vivre. Un petit qui, à quelques mois, n’a pas été sécurisé correctement, développe des troubles de l’attachement et du comportement. En cas de traumatisme grave, il lui sera plus difficile de repartir et de se saisir d’un tuteur.


Ce "tuteur de résilience" est un point d’accroche affectif sur lequel il sera possible de s’appuyer pour reprendre vie... tout comme certaines plantes ont besoin d’un tuteur pour les aider à grandir. Il s’agit donc de retrouver un attachement suffisamment sécurisant, de s’entourer de liens. Il suffit parfois d’une personne, présente au moment opportun, d’une main tendue que "l’âme blessée" arrive à saisir pour se relever. Cela peut être un membre de la famille ou quelqu’un d’extérieur à celle-ci ; ce peut même être un animal.


 Jacques Lecomte, docteur en psychologie et chargé de cours à l’université de Paris, a remarqué que les attitudes des tuteurs de résilience qui revenaient le plus souvent dans les entretiens qu’il a eus sont les suivantes:

  • «Ils manifestent de l’empathie et de l’affection;

  • ils s’intéressent prioritairement aux côtés positifs de la personne;

  • ils laissent à l’autre la liberté de parler ou de se taire;

  • ils ne se découragent pas face aux échecs apparents;

  • ils respectent le parcours de résilience d’autrui;

  • ils facilitent l’estime de soi d’autrui».

Le remaniement du passé est un autre facteur de résilience, car il permet de survivre à l’abominable. Le but de ce mécanisme de défense: donner une cohérence au souvenir et le rendre supportable, donc garder l’espoir et une raison de vivre.

B. Cyrulnik a constaté que la mémoire traumatique est faite d’un mélange de précisions et de reconstructions. Certains morceaux de souvenirs sont d’une précision étonnante, d’autres sont flous, ce qui permet de les réinventer.

"La mémoire, ce n’est pas le simple retour du souvenir, c’est une représentation du passé. La mémoire, c’est l’image qu’on se fait du passé. Ça ne veut pas dire que l’on se mente – on se rappelle seulement des morceaux de vérité qu’on arrange, comme dans une chimère", écrit-il dans "Je me souviens".

D’après Cyrulnik, ceux qui n’adoptent pas un tel point de vue restent prisonniers de leur passé. "Ils ne voient et ne vivent que l’horreur du réel, la blessure intérieure, l’inquiétude, l’angoisse"."

Boris Cyrulnik appartenait à une famille juive et a été arrêté en 1944 par la police française et enfermé dans une synagogue, alors qu’il n’avait que 6 ans et a réussi à s’échapper. Il affirme que s’il n’a pas présenté de syndrome psycho-traumatique (c’est-à-dire pas d’angoisses, pas de cauchemars...), c’est parce qu’il a réussi à s’évader le jour de son arrestation. Il en a retiré un sentiment de liberté et de réussite, celui d’avoir réalisé un exploit. "Je n’étais plus un objet bousculé par le destin, je devenais sujet de l’histoire que je me racontais, peut-être même le héros! Cette capacité verbale est souvent oubliée dans le processus de résilience. Elle est essentielle".

La bonne nouvelle apportée par Cyrulnik est qu’on peut reconstruire ce sentiment de victoire après-coup, même si au moment du trauma il y a eu panique. Maîtriser l’émotion, comprendre ce qui s’est passé y participe.


Le travail de résilience, c’est faire en sorte de transformer l’émotion. La souffrance peut être métamorphosée en œuvre philosophique, créative (écriture, théâtre...), etc. Dans l’un de ses derniers livres, "La nuit, j’écrirai des soleils", Boris Cyrulnik explique les bienfaits de l’imaginaire, du rêve et de la fiction. La création permet à la fois de s’inventer un monde et de se reconstruire.






La résilience est une magnifique promesse, celle que nous ne sommes pas forcément victimes des circonstances de la vie. Nous pouvons agir sur notre façon d’appréhender les vicissitudes de celles-ci et sortir des ornières qu’elle semble nous réservons. N’oublions pas que si des qualités telles que l'acceptation du changement, l'optimisme, une flexibilité mentale et émotionnelle ainsi que des relations solides peuvent nous aider considérablement, une psychothérapie contribue grandement à la résilience. L’objectif du travail thérapeutique est de transformer le traumatisme en moteur, en pulsion de vie. Et le (la) psychothérapeute, de par son attitude, peut être un très beau "pilier" de résilience.








La résilience n’est pas une nouvelle recette du bonheur, mais elle peut y contribuer .








Luce BARRAULT

Mars 2024











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