L’inconscient est une pierre angulaire de la psychologie et de la psychanalyse. Cette instance qui agit en nous, qui est une part de nous, sans que nous ne la connaissions vraiment, a de quoi fasciner, voire inquiéter. Instance alliée ou adversaire ? Cet inconscient est-il un ami qui nous veut du bien ou au contraire ne faut-il pas s'arrêter sur ses manifestations parfois bien gênantes ? Réservoir de pensées refoulées, de traumatismes et de pensées refoulées ou source de créativité, de résilience et d’autoguérison ?
Le concept d’inconscient
Difficile d’aborder cette notion d’inconscient sans convoquer Freud, qui a contribué de façon importante à la connaissance de ce terme. Sa vision de l’inconscient était celle d’un réservoir de pensées, de souvenirs, de désirs et de pulsions qui échappaient à la conscience. Contrairement à l’esprit conscient, qui est rationnel et analytique, l’inconscient est souvent irrationnel, chaotique et gouverné par des pulsions primitives, notamment celles du plaisir et de l’agression.
On peut illustrer cette structure psychique à travers le célèbre modèle de l’iceberg : la partie émergée représente la conscience, tandis que la partie immergée, beaucoup plus vaste, correspond à l’inconscient. C’est qu’en effet, l’inconscient est immense, et le conscient, quoi qu’ayant l’avantage d’être visible, ne représente en fait qu’une infime partie de qui nous sommes.
L’inconscient freudien n’est pas qu’un simple dépôt passif de souvenirs oubliés. Il est dynamique, constamment en action, et il influence nos pensées, nos comportements, et nos émotions de manière insidieuse.
Des mécanismes de défense, tels que le refoulement, la sublimation ou la projection, sont autant de stratégies utilisées par le moi pour gérer les conflits internes entre les pulsions inconscientes et les exigences de la réalité extérieure.
L’inconscient : un ennemi insidieux ?
Dans la perspective freudienne, l’inconscient est souvent perçu comme une force potentiellement destructrice. Les pulsions refoulées, qui sont principalement de nature sexuelle ou agressive, peuvent causer des névroses, des angoisses, ou des comportements pathologiques si elles ne sont pas correctement canalisées.
L’inconscient est ici l’ennemi intérieur, celui qui sabote notre bien-être psychique en dissimulant des traumatismes et des désirs inavouables. Il existe un conflit permanent entre conscient et inconscient, conflit qui coûte une énergie psychique considérable.
Parfois, l’inconscient "fuite" dans le conscient, à travers des lapsus, des actes manqués, et aussi par les rêves, mais ces manifestations peuvent être perturbantes, révélant des parties de nous que le moi conscient préférerait ignorer.
Cette vision de l’inconscient comme agissant en coulisse pour influencer nos vies de façon un peu perverse et sournoise peut être perçue comme menaçante, comme celle d’un ennemi qui au fond nous veut du mal.
L’inconscient : un allié précieux ?
Il faut bien comprendre que l’inconscient se présente comme un garde-fou. S’il n’existait pas, nous aurions sans cesse affaire à ces pulsions violentes, à ces désirs dérangeants, qui seraient littéralement insupportable. L’inconscient est un mécanisme de protection de l’intégrité de l’individu.
L’inconscient peut aussi être perçu comme étant notre sagesse intérieure. En lui réside tout ce qui nous veut du bien, notre guérisseur intérieur, notre créativité, notre intuition, notre savoir.
L’inconscient ne fait pas que stocker nos souvenirs traumatiques ; il nous aide à traiter ces expériences, à résoudre les conflits internes, et il peut nous souffler des solutions créatives à des problèmes complexes. L’intuition peut être parfois le produit de l’inconscient qui synthétise rapidement des informations basées sur des expériences passées et des associations subtiles. C’est aussi dans l’inconscient que se passent ces connexions subtiles avec notre environnement, qui nous influencent en souterrain.
C’est l’inconscient qui façonne notre vision du monde, nous aide à fonctionner dans notre quotidien. En lui résident tant d’éléments qui influencent nos croyances, nos représentations, nos attitudes, nos comportements… et même notre santé, mentale comme physique.
C’est aussi dans l’inconscient que germe notre créativité. Il faut reconnaître que notre mental conscient n’est pas très créatif… Il est nécessaire de le faire taire pour que puisse émerger une œuvre, quelle qu’elle soit – par la rêverie, par exemple.
Le langage de l’inconscient
Si lapsus, rêves, symptômes et autres productions inconscientes sont si incongrus et illisibles, c’est que, dans l’inconscient, l’énergie psychique se déplace librement d’une idée, d’une image à une autre. Elle s’appuie sur des similarités phonétiques, associe des objets et des situations liés par des rapports inaccessibles à la conscience ordinaire : c’est le langage des processus primaires, caractéristiques de l’inconscient.
Les messages sont codés. En effet, l’inconscient s’exprime par symboles, métaphores, images. On le voit bien avec les rêves, par exemple : si l’on s’arrête au déroulé tel qu’il semble se passer, on ne comprend pas grand-chose. Dès lors que l’on s’attache à voir ce que chaque image peut représenter, la signification du rêve peut s’éclairer.
L’inconscient dans la psychothérapie
En thérapie, on s’appuie sur l’inconscient, qui devient là un véritable allié. On va déjà aller explorer ce qui a pu se passer dans l’histoire du patient, les souvenirs refoulés, les conflits inconscients, les désirs inavouables, afin de pouvoir comprendre et parfois désamorcer certains comportements autodestructeurs et schémas répétitifs. Cela peut être difficile, parfois douloureux, car nous nous confrontons ainsi à des parties de nous que nous préférerions ne pas connaître – mais c’est salvateur pour la santé mentale.
Le recours à l’inconscient, par exemple par l’auto-hypnose, permet aussi un véritable travail sur les racines des difficultés. En nous existe une instance qui veut notre bien, qui nous suggère sans arrêt des pistes pour aller vers notre mieux-être, vers une vie équilibrée, vers notre bonheur (osons le mot) : il s’agit de l’écouter, et de suivre cette sagesse intérieure.
On observe aussi cela avec les voyages au tambour chamanique : en nous, dans les vallons de notre inconscient, de nombreuses ressources sont disponibles.
Pour y accéder, trois conditions :
- poser fermement l’intention d’avoir une réponse à sa question
- faire taire son mental et se laisser aller dans un autre état de conscience que l’ordinaire, qui peut être favorisé par le battement régulier du tambour,
- réussir à décrypter les symboles contenus dans le voyage, ce qui n’est pas toujours aisé.
L’inconscient collectif
Mis en lumière par Carl Jung (disciple de Freud), cet inconscient collectif est un immense réservoir de connaissances, d’images, et de symboles, partagé par toute l’humanité. Il existe aussi des inconscients collectifs pour des groupes plus restreints ; toute communauté est susceptible d’en posséder un – toute famille également.
L’inconscient collectif est peuplé d’archétypes : des figures symboliques universelles qui peuvent apparaître dans les mythes, les rêves, les religions, etc., du monde entier. Certains archétypes, tels que, par exemple, le héros, le sage, la mère, représentent des modèles de comportement et des structures psychiques fondamentales.
Cet inconscient collectif est porteur de connaissance et de sagesse. Là encore, à nous d’y être attentifs ! Cela peut vraiment nous permettre d’ouvrir notre appréhension de la réalité, élargir notre compréhension, tant de nous-mêmes que des autres et du groupe, et affûter nos choix de vie.
Mais cet inconscient collectif n’est pas que positif : il peut véhiculer des stéréotypes ou des croyances limitantes susceptibles d’être absorbés inconsciemment par tout un chacun. Par exemple, les rôles de genre rigides ou les préjugés raciaux peuvent être vus comme des expressions négatives de l’inconscient collectif. Pour Jung, la prise de conscience de ces archétypes et leur intégration consciente est une étape cruciale vers l’individuation, c’est-à-dire le processus par lequel un individu devient pleinement lui-même.
Alors l’inconscient, allié ou ennemi ?
Peut-être en fait que la question ne se pose pas ainsi : l’inconscient n’est ni un ami, ni un ennemi. Il témoigne juste de la complexité de notre humanité… Il est à la fois le porteur de tout ce que nous avons vécu et de toutes nos potentialités.
Dans ma pratique de thérapeute, je choisis de le considérer comme une formidable ressource. En lui réside le guérisseur intérieur que chacun de nous possède, celui qui veut notre bien, notre santé, notre bonheur, notre réalisation. L’interroger permet d’avancer sur ce chemin complexe qu’est notre vie.
« N’écoutez que votre inconscience. Elle seule peut vous offrir des fruits qui chantent et des neiges qui soudain, en plein vol, se transforment en pélican »
Alain Bosquet
Luce BARRAULT
Août 2024
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