Lors du dernier article de blog, je vous ai raconté une partie de mon parcours.
Laissez-moi, cette fois, vous raconter plus spécifiquement mon parcours en thérapie, et en particulier ce que j’ai appris grâce à elle.
Je ne vais pas parler des méthodes utilisées, ou très peu, ce n’est pas le fond de ce que je souhaite partager aujourd’hui. Je voudrais juste vous apporter un témoignage, comme si je jetais un regard en arrière sur ce que le faisceau de la thérapie a pu éclairer pour moi, ce qui a fait que je suis sortie de la dépression et que j’ai pu acquérir un équilibre qui me fait dire aujourd’hui que je vais bien.
Bien sûr, il s’agit d’un chemin personnel, qui ne préjuge pas du tout de ce que serait le chemin en thérapie du voisin ou de la copine. Là encore, il s’agit de mon histoire.
Des résistances à la thérapie
Oh la la, ce n’est pas facile d’aller voir un psy !!! Comme « ils » disent dans leur jargon, il y a "des résistances"… !!
A mon niveau, je dirais qu’il y avait surtout de la peur, et sans doute pas mal d’orgueil. J’allais mal, mais franchir le cap de reconnaître qu’il me fallait un professionnel, c’était autre chose. Je souhaitais m’en sortir seule, ne pas dépendre de quelqu’un pour aller bien – c’est ce que j’appelle l’orgueil. Et ça rejoignait le premier point, la peur : peur de la dépendance, peur du pouvoir de l’autre sur moi, et puis aussi, j’avoue, peur de voir des choses détestables en moi.
Il n’y a pas de mauvaises émotions, ni de mauvais sentiments.
La peur avertit d’un danger et enclenche des processus de protection, l’orgueil permet de tenir debout.
Mais au bout d’un moment, ce duo n’a plus été suffisant.
Je me sentais en fragilité extrême ; il me fallait consulter.
Des diversités d’approche
Je suis donc allée voir le premier psy de mon chemin.
Celui-ci a été long. J’ai fréquenté plusieurs thérapeutes, plusieurs méthodes. Chacun et chacune avaient des points positifs et d’autres aspects qui me correspondaient moins. Il y a eu la thérapie par la parole "classique", la psychogénéalogie, une soi-disant "gestalt-thérapie" (qui n’en avait que le nom, à mon avis), la bioaanalyse férenczienne… (peut-être que j’en oublie?)
Peu importe ces méthodes, en fait.
Ce qui reste, c’est ce que j’ai appris sur moi, c’est le travail psychique que j’ai pu mener, c’est là où j’en suis aujourd’hui après avoir été si bas dans les eaux profondes de la dépression.
C’est le seul travail, sans doute, que l’on ne fait que pour soi et pas pour le regard de l’autre, sans évaluation autre que son propre ressenti, sans valorisation autre que notre propre sensation de paix et d’équilibre.
Même le psy n’a rien à en dire.
Le rôle du psy
Le psy n’est pas un professeur qui nous donne des leçons sur ce qu’il faut faire, ce qu’il faut penser, là où il faut aller (enfin, j’en ai rencontrés, des comme ça, mais je me suis vite enfuie).
Le psy aide à cheminer. Il écoute pour que l’on puisse parler, formuler, élaborer. Il reçoit, un contenu parfois informe, symbolique, subtil, et il aide à décrypter, il propose des éclaircissements.
Le fait qu’il accepte tout, sans juger, sans enfermer, est pour moi très important.
Quand on a peur d’être jugé, et donc d’être possiblement rejeté, on cache des parts de soi que l’on voit noires, on les laisse dans l’ombre – mais le travail thérapeutique demande à ce que tout soit vu, accepté, intégré. C’est la condition sine qua non pour pouvoir avancer.
Comment la psychothérapie m’a soignée
Lorsque je me retourne pour regarder le chemin parcouru en thérapie, plusieurs points me paraissent ressortir avec une certaine importance :
- l’aspect linéaire, itinérant, cheminant, de la thérapie.
Ce que j’ai abordé au début était bien différent de ce que j’ai pu traiter les derniers temps.
Il y a un côté progressif, à la fois dans ce qui a besoin d’être abordé que dans le regard que j’ai porté à certains aspects de mon histoire et dans ma façon de considérer mon implication dedans.
Au début de mon chemin, je me voyais surtout victime. J’avais subi, je subissais encore, le pouvoir des autres, de ma mère, de mes frères, de mes patrons (et patronnes), des hommes, etc., et aussi le pouvoir des évènements, certains décès, certains départs, certains accidents. Le travail en psychogénéalogie que j’ai fait à cette époque n’a fait que renforcer ce sentiment : il me semblait ne faire que constater que l’univers avait comploté contre ma santé mentale, me faisant naître dans une famille chargée, avec des personnalités difficiles, et subissant des catastrophes en chaîne qui me condamnaient.
J’étais alors très accrochée à la croyance que de voir tout cela, creuser pour savoir, interroger, connaître l’histoire de ma famille, suffisait en soi. De la clarté naîtrait la santé.
Belle innocence que celle des premiers pas !! Cette naïveté, que j’ai vite perçue comme telle, révèle que chaque pas, à la fois se suffit à lui-même, et également permet d’aborder le suivant.
A chaque pas, on avance. On est satisfait de cette avancée. Mais le suivant, déjà, se révèle nécessaire. Alors, on continue.
- apprendre à se connaître
Cela paraît une évidence : chacun se connaît lui-même, non ?? Qui mieux que nous-mêmes savons quelles sont nos qualités, nos envies, pour quoi nous sommes faits ?
Eh bien, je me suis vite rendue compte que non – en tout cas, moi, je ne me connaissais pas si bien que cela. Ce que je nommais mes attributs étaient en fait ceux que l’on avait nommés pour moi, ce que les autres avaient dit de moi : ma mère, mes professeurs, mes frères et sœurs, mes amis, et même des gens moins proches : à partir du moment où un jugement (même positif) était pointé sur moi, je me l’appropriais. C’était ainsi non seulement pour mes qualités ou mes "défauts", mais aussi par rapport à ce que j’aimais, à ce que je désirais, à ce que j’avais envie de faire dans la vie, etc. En fait, je me laissais définir par le regard des autres. C’était comme si celui-ci m’aveuglait, m’empêchait de me regarder moi-même. Puisque ma mère m’avait dit que j’étais renfermée, c’est que je l’étais. Puisque ma prof de maths m’avait dit que j’étais faite pour les études scientifiques, c’est ce que je devais faire. Puisque le voisin me trouvait gentille, j’étais sûrement gentille.
Quel travail cela a-t-il été que de passer outre ces étiquettes dont on m’avait affublée toute ma vie pour tenter de toucher à l’essence de celle que j’étais, pour accepter des côtés peu flatteurs, pour voir mes motivations profondes !!
- l’évolution de mon regard
Je l’ai dit : au commencement, je me voyais victime. J’avais subi.
Alors, j’en voulais aux autres de ce que j’avais enduré, j’en voulais à la vie de m’avoir imposé ces épreuves, j’en voulais à tout le monde, aux soi-disant anges gardiens qui ne m’avaient protégée de rien du tout, au destin qui m’accablait, à la vie tellement pourrie…
Puis, peu à peu, je me suis surprise à accepter.
Accepter que je ne sois pas l’unique référence, accepter que les autres soient différents, accepter qu’ils aient un autre regard, une autre sensibilité, une autre personnalité. Accepter qu’ils aient leur vie, leurs priorités, leurs perceptions, leurs désirs, et que je n’existe qu’en périphérie. Étrangement, en voyant mieux mes propres besoins, mes propres motivations, je comprenais mieux que les autres pouvaient en avoir d’autres, et ne pas percevoir les miens, ou ne pas en tenir compte.
En me recentrant, en faisant connaissance avec moi-même, je me décentrais de ce que je souhaitais que les autres m’apportent, je leur donnais le droit d’avoir leur propre vie.
Je me rends compte, en écrivant cela, que l’on pourrait soupçonner que j’étais très égocentrique. C’est vrai, mais je m’en serais vaillamment défendue à l’époque ! Dans le discours, dans ce que je m’avouais à moi-même, j’étais infiniment tolérante et je ne demandais rien. Mais dans le fond, dans ce que j’ai trouvé dès que j’ai gratté la surface, il y avait des besoins très archaïques, des représentations très primaires de ce que le monde devait m’apporter. C’était inconscient, comme on dit. Et quand ça a émergé, j’ai beaucoup pleuré, et puis je suis passée à autre chose. Sans ce travail thérapeutique, j’en serais encore là.
Et ensuite, dans un autre temps, j’ai perçu ma responsabilité dans ce qui m’arrivait. Si untel avait été violent avec moi, mon attitude, mes paroles peut-être, ma façon d’être, étaient en cause. Si ma patronne me faisait subir une mise au placard, c’est que ce que j’avais choisi ne lui convenait pas et qu’elle me le montrait ainsi. Je ne dis pas que j’excusais les autres de ce qu’ils me faisaient – juste, je voyais que je n’étais pas une simple victime, et que mes choix avaient des conséquences. A cette étape, je ne subissais plus. J’avais pris une place qui me permettait de me défendre. De partir si la situation ne me plaisait pas. De parler quand je ne me sentais pas vue.
Et enfin, cette idée que je rejetais, celle selon laquelle on aurait choisi son chemin de vie à notre incarnation, celle qui était juste insupportable tant que je n’étais qu’une victime, m’a paru acceptable. Je ne sais pas si elle est vraie, mais elle donne du sens aux épreuves que l’on passe, et je la trouve particulièrement apaisante. Il n’y a que nous qui avons du pouvoir sur notre vie.
Et nous le méritons tous.
Voilà, vous avez une petite idée de mon chemin.
Peut-être que cela vous semble un chemin facile, avec des étapes évidentes.
C’est vrai que quand on les lit , comme dans un roman initiatique, cela paraît plutôt aisé. Sans doute que je n’étais pas très douée, pour avoir mis tant de temps à les réaliser, à arriver aujourd’hui à cet équilibre que je bénis.
Mais vous-mêmes, pensez-vous vraiment être au clair avec tous les points que j’ai soulignés ?
N’avez-vous pas l’impression d’être victime, parfois, de la fatalité, du gouvernement, de votre cerveau, de votre corps ?? Avez-vous une parfaite connaissance de vous-mêmes, acceptez-vous vos parties moins flatteuses ? Assumez-vous la pleine responsabilité de votre vie ?
Luce BARRAULT
Décembre 2024
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